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lui ayant servi d’agent électoral discret, dans l’enthousiasme où il était d’un candidat à ce point sympathique, d’une grande culture littéraire. Né à Jonville, élève très distingué de l’École normale supérieure, il avait professé pendant deux ans à la faculté de Beaumont ; et c’était là qu’il avait posé sa candidature, après avoir donné sa démission. Petit de taille, blond et fin, avec une aimable figure toujours souriante, il révolutionnait le cœur des femmes, il se faisait même adorer des hommes, par une science rare du mot qu’il fallait dire à chacun, de l’obligeance serviable qu’il fallait montrer à tous. Mais, surtout, ce qui le rendait cher à la jeunesse, c’était sa propre jeunesse, trente-deux ans à peine, c’étaient ses discours d’une forme heureuse, d’une compréhension large, abordant les problèmes avec une élégance, une connaissance parfaite des hommes et des choses. Enfin, on allait donc avoir un député vraiment jeune, sur lequel on pouvait compter. Il renouvellerait la politique, il y apporterait le sang des générations montantes, et cela en un langage impeccable, avec toute une fleur délicieuse de bonne littérature !

Depuis trois ans, en effet, il jouait un rôle de plus en plus important à la Chambre. Son crédit augmentait sans cesse, on avait déjà parlé pour lui d’un portefeuille, malgré ses trente-deux ans. Et il était certain que, si Marcilly s’occupait des affaires de ses électeurs avec une complaisance infatigable, il faisait encore mieux les siennes, profitant de la moindre circonstance comme d’un échelon propice, se poussant d’un train si naturel, si aisé, que personne n’avait encore songé à voir en lui un simple arriviste, le candidat de la jeunesse impatiente et surchauffée, avide de toutes les jouissances et de toutes les puissances.

L’appartement était délicatement aménagé et orné, et Marcilly reçut Marc en bon camarade, comme si cet humble instituteur de village eût toujours été son frère universitaire.