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monde, en réduisant les forces naturelles au rôle de dociles servantes… Pendant que je bâtissais, mon ami, vous me donniez de quoi souffler la vie à mon mortier et à mes pierres.

— C’est vrai, répondit Jordan de sa petite voix tranquille, la science affranchira l’homme, car la vérité est au fond la puissante et unique ouvrière de fraternité et de justice… Et je m’en vais content, je viens de faire ma dernière visite à notre usine, elle fonctionnera maintenant telle que je la voulais, pour le soulagement et la félicité de tous.  »

Il continua, il donna des explications, des instructions sur le fonctionnement des nouveaux appareils, sur l’emploi futur de ces réservoirs inépuisables de force, comme s’il avait dicté à son ami ses volontés dernières. Cela était son testament, toute la joie, toute la paix, qu’on pouvait tirer de son œuvre de science. Déjà l’électricité ne coûtait rien, d’une abondance telle, qu’elle était donnée à discrétion aux habitants, comme l’eau des sources dont le flot ne tarissait pas, comme le grand air venu librement des quatre coins de l’horizon. À cette condition seule, elle était la vie.

Dans tous les édifices publics, dans toutes les maisons privées, même les plus modestes, on distribuait sans compter la lumière, la chaleur, le mouvement. Il suffisait de tourner des boutons et la maison s’éclairait, se chauffait, la cuisine se faisait, les diverses machines de métier ou d’usage domestique se mettaient en marche. Toutes sortes de petits mécanismes ingénieux se créaient de jour en jour, pour la besogne du ménage, soulageant les femmes substituant l’action mécanique au travail manuel. Enfin, depuis la ménagère jusqu’à l’ouvrier de l’usine, l’antique bête humaine était peu à peu soustraite à l’effort physique, d’une douleur inutile, maintenant qu’une force naturelle conquise, domestiquée la remplaçait,