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voilà, votre Arsène et votre Olympe. On n’a pas besoin de vous demander s’ils se portent bien. »

Le paysan, âgé de trente et quelques années, avait une face large et calme. Il ne se pressa pas, finit par répondre de son ton réfléchi :

« Oui, oui, la santé est bonne, ça ne va pas trop mal, aux Combettes… C’est la terre qui est la plus malade. Je ne pourrai pas vous fournir le son que je vous avais promis, madame Mitaine. Tout a coulé. Et comme je suis venu à Beauclair, ce soir, avec la voiture, j’ai voulu vous prévenir. »

Il continua, dit toute sa rancœur, la terre ingrate qui ne nourrissait plus le travailleur, qui ne payait même plus les frais de fumier et de semence. Et la belle boulangère, apitoyée, hochait doucement la tête. C’était bien vrai, il fallait maintenant beaucoup de travail pour pas beaucoup de contentement. Personne ne mangeait plus à sa faim. Elle ne s’occupait pas de politique, mais que les choses tournaient mal, mon Dieu ! Ainsi, pendant cette grève, cela lui crevait le cœur de savoir que de pauvres gens se couchaient, sans avoir seulement une croûte, lorsque sa boutique était pleine de pains. Mais le commerce était le commerce, n’est-ce pas ? On ne pouvait pas donner la marchandise, d’autant plus qu’on aurait l’air d’encourager la révolte.

Et Lenfant approuvait.

« Oui, oui, chacun son bien. C’est légitime, qu’on gagne sur les choses, quand on a pris de la peine. Mais, tout de même, il y en a qui veulent gagner trop. »

Évariste, que la vue d’Arsène et d’Olympe intéressait, s’était décidé à quitter le comptoir, pour leur faire les honneurs de la boutique. Et, en grand garçon de dix ans, il souriait avec complaisance à la fillette de six, dont la grosse tête ronde et gaie devait l’amuser.

« Donne-leur donc à chacun un gâteau », dit la belle Mme