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si gaie, meublée de sapin verni, la pièce qu’elle préférait de cette petite maison où elle était entrée très heureuse, et que, depuis trois années, elle se plaisait tant à soigner et à embellir  !

À quoi Josine rêvait-elle ainsi, la face pâle, envahie de tristesse  ? Lorsque Bonnaire avait décidé Ragu à le suivre, à s’associer aux camarades de la Crêcherie, elle s’était crue sauvée de toute peine. Désormais, elle aurait à elle une maison gentille, le pain serait assuré, Ragu lui-même se corrigerait, dès qu’il n’aurait plus d’ennuis à l’usine. Et la bonne chance ne s’était pas démentie, celui-ci avait fini par l’épouser, sur le désir formel de Sœurette sans qu’elle éprouvât de ce mariage la joie qu’elle en aurait eue, au début de la liaison. Elle n’avait même accepté qu’après avoir consulté Luc, qui restait son dieu, le sauveur, le maître, et, tout au fond de son cœur, était cachée la joie divine, le trouble où l’avait jeté cette demande de permission, la minute d’angoisse où elle l’avait deviné, avant qu’il se résignât à consentir. N’était-ce pas la solution la meilleure, la seule possible  ? Elle ne pouvait épouser que Ragu, puisque celui-ci voulait bien. Luc avait dû paraître content pour elle, lui gardant la même affection après le mariage, l’accueillant avec un sourire, à chacune de leurs rencontres, comme pour lui demander si elle était heureuse. Et elle sentait tout son pauvre cœur qui se désespérait, qui se fondait, en un besoin inassouvi de tendresse.

Josine eut un léger frisson, dans sa douloureuse rêverie, comme prévenue par un souffle, et elle se retourna, et elle reconnut Luc qui souriait, de son air affectueux et inquiet.

«  Chère enfant, je viens parce que Ragu prétend que vous êtes très mal dans cette maison, qu’elle est exposée à tous les courants d’air de la plaine, et que le vent a encore cassé trois vitres, à la fenêtre de votre chambre.  »