le monde, s’étendaient sans fin, pénétraient au fond des contrées les plus désertes, en faisant le tour de la terre.
« Pour qui est-ce donc, tout ça ? demanda Fauchard, ahuri.
— C’est pour les Chinois », répondit Ragu, en plaisantant.
Mais Luc passait devant les laminoirs. Il vivait généralement sa matinée dans l’usine, donnant un coup d’œil à chaque halle, causant en camarade avec les ouvriers. Il avait dû garder en partie la hiérarchie ancienne, des ouvriers maîtres, des surveillants, des ingénieurs, des bureaux de comptabilité et de direction commerciale. Mais il réalisait déjà des économies sérieuses, grâce à son continuel souci de réduire le plus possible le nombre des chefs et le personnel des bureaux. D’ailleurs, ses espérances immédiates s’étaient réalisées : bien qu’on n’eût pas encore retrouvé les filons excellents d’autrefois, le minerai actuel de la mine, traité chimiquement, donnait à bas prix de la fonte de qualité possible ; et dès lors, la fabrication des charpentes et des rails, suffisamment rémunératrice assurait la prospérité de l’usine. On vivait, le chiffre d’affaires s’élargissait chaque année, c’était pour lui l’important, car son effort portait sur l’avenir de l’œuvre, dans la certitude où il était de vaincre si, à chaque partage des bénéfices, les ouvriers voyaient s’accroître leur bien-être, plus de bonheur et moins de peine. Il n’en passait pas moins son existence de chaque jour en continuelles alertes, au milieu de cette création si complexe qu’il devait surveiller, des avances considérables à faire, tout un petit peuple à conduire, des soucis à la fois d’apôtre, d’ingénieur et de financier. Sans doute, le succès semblait certain, mais combien il le sentait précaire encore, à la merci des événements !
Dans le vacarme, Luc ne fit que s’arrêter une minute, en