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de l’agriculture : la terre faisait banqueroute, tous les cultivateurs couraient à une ruine prochaine. Châtelard et Gourier tombèrent d’accord que le problème terrible sans solution jusqu’ici, se posait là ; car, pour que l’ouvrier industriel pût produire, il fallait que le pain fût à bas prix, et si le blé était à bas prix, le paysan ruiné n’achetait plus les produits de l’industrie. Delaveau croyait qu’on trouverait la solution dans un protectionnisme intelligent. Et Luc, que la question passionnait, les poussa, obtint surtout des renseignements de Boisgelin, qui finit par confesser que sa désespérance venait de ses difficultés continuelles avec son fermier, Feuillat, dont les exigences croissaient d’année en année. Il allait sans doute être forcé de se séparer de lui, à l’occasion du renouvellement de leur bail, le fermier ayant demandé une diminution de dix pour cent dans le prix de fermage ; et le pis était que, pris de la crainte que son bail ne fût pas renouvelé, il avait cessé de soigner les terres, ne les fumant plus, disant qu’il n’avait pas besoin de travailler à la fortune de son successeur. C’était la propriété stérilisée, peu à peu frappée de mort.

« Et il en est ainsi partout, continua Boisgelin. On ne s’entend pas, les travailleurs veulent prendre la place des propriétaires, et c’est la culture qui souffre de la querelle… Tenez ! aux Combettes, dans ce village dont les terres ne sont séparées des miennes que par la route de Formeries, vous ne vous imaginez pas le peu d’entente, les efforts que chaque paysan fait pour nuire à son voisin, en se paralysant lui-même… Ah ! la féodalité avait du bon, tous ces gaillards marcheraient, obéiraient, s’ils n’avaient rien à eux et s’ils étaient convaincus de n’avoir jamais rien ! »

Cette conclusion imprévue fit sourire Luc. Mais il restait frappé de l’aveu inconscient que du manque d’entente venait seule la prétendue faillite de la terre. Et, maintenant,