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pour amant afin de me heurter contre lui et de le briser.

— Ce n’est pas vrai… C’est monstrueux ce que tu dis là… Tu n’as pas le droit de me reprocher ma faiblesse. Je puis dire, comme toi, qu’avant de te connaître, j’étais une honnête femme qui n’avait jamais fait de mal à personne. Si je t’ai rendu fou, tu m’as rendue plus folle encore. Ne nous disputons pas, entends-tu, Laurent… J’aurais trop de choses à te reprocher.

— Qu’aurais-tu donc à me reprocher ?

— Non, rien… Tu ne m’as pas sauvée de moi-même, tu as profité de mes abandons, tu t’es plu à désoler ma vie… Je te pardonne tout cela… Mais, par grâce, ne m’accuse pas d’avoir tué Camille. Garde ton crime pour toi, ne cherche pas à m’épouvanter davantage.

Laurent leva la main pour frapper Thérèse au visage.

— Bats-moi, j’aime mieux ça, ajouta-t-elle, je souffrirai moins.

Et elle tendit la face. Il se retint, il prit une chaise et s’assit à côté de la jeune femme.

— Écoute, lui dit-il d’une voix qu’il s’efforçait de rendre calme, il y a de la lâcheté à refuser ta part du crime. Tu sais parfaitement que nous l’avons commis ensemble, tu sais que tu es aussi coupable que moi. Pourquoi veux-tu rendre ma charge plus lourde en te disant innocente ? Si tu étais innocente, tu n’aurais pas