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vous saviez combien je suis heureux de m’endormir pour toujours dans ce fauteuil ! Jamais je n’ai osé rêver une mort si consolante. Toutes mes tendresses sont là, à mes côtés… Et voyez quel ciel bleu ! Dieu m’envoie une belle soirée.

Le soleil se couchait derrière l’allée de chênes. Les rayons obliques jetaient des nappes d’or sous les arbres qui prenaient des tons de vieux cuivre. Au loin, la campagne verte se perdait dans une sérénité vague. L’oncle Lazare s’affaiblissait de plus en plus, en face de ce silence attendri, de ce coucher de soleil, apaisé, entrant par la fenêtre ouverte. Il s’éteignait lentement, comme ces lueurs légères qui pâlissaient sur les hautes branches.

— Ah ! ma bonne vallée, murmura-t-il, tu me fais de tendres adieux… J’avais peur de mourir l’hiver, lorsque tu es toute noire.

Nous retenions nos larmes, nous ne voulions pas troubler cette mort si sainte. Babet priait à voix basse. L’enfant jetait toujours de légers cris.

Mon oncle Lazare entendit ces cris, dans le rêve de son agonie. Il essaya de se tourner vers Babet, et, souriant encore :

— J’ai vu l’enfant, dit-il, je meurs bien heureux.

Alors, il regarda le ciel pâle, la campagne blonde, et, renversant la tête, il poussa un faible soupir.