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Babet, je pris sa chère tête entre mes mains. Les larmes n’avaient pas séché sur ses joues, et ses lèvres, encore frémissantes, souriaient, trempées de pleurs. Elle leva paresseusement les paupières. Elle ne me parla pas, mais je l’entendis me dire : « J’ai bien souffert, mon brave Jean, mais j’étais si heureuse de souffrir ! Je te sentais en moi. »

Alors, je me penchai, je baisai les yeux de Babet, je bus ses larmes. Elle riait doucement, elle s’abandonnait avec une langueur caressante. La fatigue la tenait endolorie. Elle dégagea lentement ses mains du drap de lit, et, me prenant par le cou, approchant sa bouche de mon oreille :

— C’est un garçon, murmura-t-elle d’une voix faible, avec un air de triomphe.

Ce furent là les premiers mots qu’elle prononça après la terrible crise qui venait de la secouer.

— Je savais bien que ce serait un garçon, continua-t-elle, je voyais l’enfant chaque nuit… Donne-le moi, couche-le à mon côté.

Je me tournai, et je vis la sage-femme et mon oncle se quereller. La sage-femme avait toutes les peines du monde à empêcher l’oncle Lazare de prendre le petit entre ses bras. Il voulait le bercer.