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dormait, toute rose, au milieu de son grand lit ; tandis que la chambre entière me rappelait nos quinze années de tendresse.

J’embrassai doucement Babet sur les lèvres. Elle ouvrit les yeux, me sourit, sans parler. J’avais des envies folles de la prendre dans mes bras, de la serrer contre mon cœur ; mais, depuis quelque temps, j’osais à peine lui presser la main, tant elle me semblait fragile et sacrée.

Je m’assis sur le bord de la couche, et, à voix basse :

— Est-ce pour aujourd’hui ? lui demandai-je.

— Non, je ne crois pas, me répondit-elle… Je rêvais que j’avais un garçon : il était déjà très-grand et portait d’adorables petites moustaches noires… L’oncle Lazare me disait hier qu’il l’avait aussi vu en rêve.

Je commis une grosse maladresse.

— Je connais l’enfant mieux que vous, repris-je. Je le vois chaque nuit. C’est une fille…

Et comme Babet se tournait vers la muraille, près de pleurer, je compris ma bêtise, je me hâtai d’ajouter :

— Quand je dis une fille… je ne suis pas bien sûr. Je vois l’enfant tout petit, avec une longue robe blanche… C’est certainement un garçon.