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allions sans doute être bientôt quatre, je vis le cher oncle tout pâle, se retenant pour ne pas pleurer. Il nous embrassa, songeant déjà au baptême, parlant de l’enfant comme s’il était âgé de trois ou quatre ans.

Et les mois passèrent dans une tendresse recueillie. Nous parlions bas entre nous, attendant quelqu’un. Je n’aimais plus Babet, je l’adorais à mains jointes, je l’adorais pour deux, pour elle et pour le petit.

Le grand jour approchait. J’avais fait venir de Grenoble une sage-femme qui ne quittait plus la ferme. L’oncle était dans des transes horribles ; il n’entendait rien à de pareilles aventures, il alla jusqu’à me dire qu’il avait eu tort de se faire prêtre et qu’il regrettait beaucoup de n’être pas médecin.

Un matin de septembre, vers six heures, j’entrai dans la chambre de ma chère Babet qui sommeillait encore. Son visage souriant reposait paisiblement sur la toile blanche de l’oreiller. Je me penchai, retenant mon souffle. Le ciel me comblait de ses biens. Je songeai tout à coup à cette journée d’été où je râlais dans la poussière, et je sentis en même temps, autour de moi, le bien-être du travail, la paix du bonheur. Ma brave femme