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Je me mis à rêver le retour. Je vis mon pauvre vieil oncle sur le seuil de la cure, tendant vers moi ses bras tremblants ; et, derrière lui, il y avait Babet toute rouge, en larmes et souriante. Je me jetais dans leurs bras, je les embrassais en balbutiant…

Brusquement, un roulement de tambour me ramena à la terrible réalité. L’aube était venue, la plaine grise s’élargissait dans les vapeurs du matin. Le sol s’anima, des formes vagues surgirent de toutes parts. Un bruit grandissant emplit l’air ; c’étaient des appels de clairon, des galops de chevaux, des roulements d’artillerie, des cris de commandement. La guerre se dressait, menaçante, au milieu de mon rêve de tendresse.

Je me levai péniblement ; il me sembla que mes os étaient rompus et que ma tête allait se fendre. Je réunis mes hommes à la hâte ; car je dois vous dire que j’avais atteint le grade de sergent. Nous reçûmes bientôt l’ordre de nous porter sur la gauche et d’occuper un petit coteau qui dominait la plaine.

Comme nous étions près de partir, le vaguemestre passa en courant, et cria :

— Une lettre pour le sergent Gourdon !

Et il me remit une lettre froissée, maculée,