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je me tins à son côté, comprenant que le moment terrible était venu.

La rivière tournait brusquement ; un petit parapet faisait du bout de l’allée une sorte de terrasse. Cette voûte d’ombre donnait sur une vallée de lumière. La campagne s’agrandit largement devant nous, à plusieurs lieues. Le soleil montait dans le ciel, où les rayons d’argent du matin s’étaient changés en un ruissellement d’or ; des clartés aveuglantes coulaient de l’horizon, le long des coteaux, s’étalant dans la plaine avec des lueurs d’incendie.

Après un instant de silence, mon oncle Lazare se tourna vers moi.

— Bon Dieu, le sermon ! pensai-je.

Et je baissai la tête. D’un geste large, mon oncle me montra la vallée ; puis, se redressant :

— Regarde, Jean, me dit-il d’une voix lente, voilà le printemps. La terre est en joie, mon garçon, et je t’ai amené ici, en face de cette plaine de lumière, pour te montrer les premiers sourires de la jeune saison. Vois quel éclat et quelle douceur ! Il monte de la campagne des senteurs tièdes qui passent sur nos visages comme des souffles de vie.

Il se tut, paraissant rêver. J’avais relevé le front,