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NANA


— Le travail, ah ! oui, le travail, bégaya-t-il enfin. Toujours beaucoup de travail…

Il se remettait, il redressait sa taille voûtée, passant la main, d’un geste qui lui était familier, sur ses cheveux blancs, dont les rares boucles flottaient derrière ses oreilles.

— À quoi travaillez-vous donc si tard ? demanda madame Du Joncquoy. Je vous croyais à la réception du ministre des Finances.

Mais la comtesse intervint.

— Mon père avait à étudier un projet de loi.

— Oui, un projet de loi, dit-il, un projet de loi, précisément… Je m’étais enfermé… C’est au sujet des fabriques, je voudrais qu’on observât le repos dominical. Il est vraiment honteux que le gouvernement ne veuille pas agir avec vigueur. Les églises se vident, nous allons à des catastrophes.

Vandeuvres avait regardé Fauchery. Tous deux se trouvaient derrière le marquis, et ils le flairaient. Lorsque Vandeuvres put le prendre à part, pour lui parler de cette belle personne qu’il menait à la campagne, le vieillard affecta une grande surprise. Peut-être l’avait-on vu avec la baronne Decker, chez laquelle il passait parfois quelques jours, à Viroflay. Vandeuvres, pour seule vengeance, lui demanda brusquement :

— Dites donc, où avez-vous passé ? Votre coude est plein de toiles d’araignée et de plâtre.

— Mon coude, murmura-t-il, légèrement troublé. Tiens ! c’est vrai… Un peu de saleté… J’aurai attrapé ça en descendant de chez moi.

Plusieurs personnes s’en allaient. Il était près de minuit. Deux valets enlevaient sans bruit les tasses vides et les assiettes de gâteaux. Devant la cheminée, ces dames avaient reformé et rétréci leur cercle,