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LES ROUGON-MACQUART

— Il paraît que ce n’est pas une femme à Foucarmont ; c’est le collage de ce monsieur, là-bas… Elle ne pourra pas venir. Quelle déveine !… Mais j’ai racolé tout de même Foucarmont. Il tâchera d’avoir Louise, du Palais-Royal.

— Monsieur de Vandeuvres, demanda madame Chantereau qui haussait la voix, n’est-ce pas qu’on a sifflé Wagner, dimanche ?

— Oh ! atrocement, madame, répondit-il en s’avançant avec son exquise politesse.

Puis, comme on ne le retenait pas, il s’éloigna, il continua à l’oreille du journaliste :

— Je vais encore en racoler… Ces jeunes gens doivent connaître des petites filles.

Alors, on le vit, aimable, souriant, aborder les hommes et causer aux quatre coins du salon. Il se mêlait aux groupes, glissait une phrase dans le cou de chacun, se retournait avec des clignements d’yeux et des signes d’intelligence. C’était comme un mot d’ordre qu’il distribuait, de son air aisé. La phrase courait, on prenait rendez-vous ; pendant que les dissertations sentimentales des dames sur la musique couvraient le petit bruit fiévreux de cet embauchage.

— Non, ne parlez pas de vos Allemands, répétait madame Chantereau. Le chant, c’est la gaieté, c’est la lumière… Avez-vous entendu la Patti dans le Barbier ?

— Délicieuse ! murmura Léonide, qui ne tapait que des airs d’opérette sur son piano.

La comtesse Sabine, cependant, avait sonné. Lorsque les visiteurs étaient peu nombreux, le mardi, on servait le thé dans le salon même. Tout en faisant débarrasser un guéridon par un valet, la comtesse suivait des yeux le comte de Vandeuvres. Elle gardait