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NANA

madame Chantereau tenait pour les Italiens. Les voix de ces dames s’étaient faites molles et languissantes. On eût dit, devant la cheminée, un recueillement d’église, le cantique discret et pâmé d’une petite chapelle.

— Voyons, murmura Vandeuvres en ramenant Fauchery au milieu du salon, il faut pourtant que nous inventions une femme pour demain. Si nous demandions à Steiner ?

— Oh ! Steiner, dit le journaliste, quand il a une femme, c’est que Paris n’en veut plus.

Vandeuvres, cependant, cherchait autour de lui.

— Attendez, reprit-il. J’ai rencontré l’autre jour Foucarmont avec une blonde charmante. Je vais lui dire qu’il l’amène.

Et il appela Foucarmont. Rapidement, ils échangèrent quelques mots. Une complication dut se présenter, car tous deux, marchant avec précaution, enjambant les jupes des dames, s’en allèrent trouver un autre jeune homme, avec lequel ils continuèrent l’entretien, dans l’embrasure d’une fenêtre. Fauchery, resté seul, se décidait à s’approcher de la cheminée, au moment où madame Du Joncquoy déclarait qu’elle ne pouvait entendre jouer du Weber sans voir aussitôt des lacs, des forêts, des levers de soleil sur des campagnes trempées de rosée ; mais une main le toucha à l’épaule, tandis qu’une voix disait derrière lui :

— Ce n’est pas gentil.

— Quoi donc ? demanda-t-il en se tournant et en reconnaissant la Faloise.

— Ce souper, pour demain… Tu aurais bien pu me faire inviter.

Fauchery allait enfin répondre, lorsque Vandeuvres revint lui dire :