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LES ROUGON-MACQURT

donner une poignée de main. Et, tout de suite, heureux de la rencontre, pris d’un besoin d’expansion, Fauchery l’attira, disant à voix basse :

— C’est pour demain, vous en êtes ?

— Parbleu !

— À minuit chez elle.

— Je sais, je sais… J’y vais avec Blanche.

Il voulait s’échapper, pour revenir près des dames donner un nouvel argument en faveur de M. de Bismarck. Mais Fauchery le retint.

— Jamais vous ne devineriez de quelle invitation elle m’a chargé.

Et, d’un léger signe de tête, il désigna le comte Muffat, qui en ce moment discutait un point du budget avec le député et Steiner.

— Pas possible ! dit Vandeuvres, stupéfait et mis en gaieté.

— Ma parole ! J’ai dû jurer de le lui amener. Je viens un peu pour ça.

Tous deux eurent un rire silencieux, et Vandeuvres, se hâtant, rentrant dans le cercle des dames, s’écria :

— Je vous affirme, au contraire, que monsieur de Bismarck est très spirituel… Tenez, il a dit, un soir, devant moi, un mot charmant…

Cependant, la Faloise, ayant entendu les quelques paroles rapides, échangées à demi-voix, regardait Fauchery, espérant une explication, qui ne vint pas. De qui parlait-on ? que faisait-on, le lendemain, à minuit ? Il ne lâcha plus son cousin. Celui-ci était allé s’asseoir. La comtesse Sabine surtout l’intéressait. On avait souvent prononcé son nom devant lui, il savait que, mariée à dix-sept ans, elle devait en avoir trente-quatre, et qu’elle menait depuis son mariage une existence cloîtrée, entre son mari et sa belle-