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III


La comtesse Sabine, comme on avait pris l’habitude de nommer madame Muffat de Beuville, pour la distinguer de la mère du comte, morte l’année précédente, recevait tous les mardis, dans son hôtel de la rue Miromesnil, au coin de la rue de Penthièvre. C’était un vaste bâtiment carré, habité par les Muffat depuis plus de cent ans ; sur la rue, la façade dormait, haute et noire, d’une mélancolie de couvent, avec d’immenses persiennes qui restaient presque toujours fermées ; derrière, dans un bout de jardin humide, des arbres avaient poussé, cherchant le soleil, si longs et si grêles, qu’on en voyait les branches, par-dessus les ardoises.

Ce mardi, vers dix heures, il y avait à peine une douzaine de personnes dans le salon. Lorsqu’elle n’attendait que des intimes, la comtesse n’ouvrait ni le petit salon ni la salle à manger. On était plus entre soi, on causait près du feu. Le salon, d’ailleurs, était très grand, très haut ; quatre fenêtres donnaient sur le jardin, dont on sentait l’humidité par cette pluvieuse soirée de la fin d’avril,