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LES ROUGON-MACQUART

Ce bon Labordette, tombait-il à propos ! Jamais il ne demandait rien, lui. Il n’était que l’ami des femmes, dont il bibelotait les petites affaires. Ainsi, en passant, il venait de congédier les créanciers, dans l’antichambre. D’ailleurs, ces braves gens ne voulaient pas être payés, au contraire ; s’ils avaient insisté, c’était pour complimenter madame et lui faire en personne de nouvelles offres de service, après son grand succès de la veille.

— Filons, filons, disait Nana qui était habillée.

Justement, Zoé rentrait, criant :

— Madame, je renonce à ouvrir… Il y a une queue dans l’escalier.

Une queue dans l’escalier ! Francis lui-même, malgré le flegme anglais qu’il affectait, se mit à rire, tout en rangeant les peignes. Nana, qui avait pris le bras de Labordette, le poussait dans la cuisine. Et elle se sauva, délivrée des hommes enfin, heureuse, sachant qu’on pouvait l’avoir seul avec soi, n’importe où, sans craindre des bêtises.

— Vous me ramènerez à ma porte, dit-elle pendant qu’ils descendaient l’escalier de service. Comme ça, je serai sûre… Imaginez-vous que je veux dormir toute une nuit, toute une nuit à moi. Une toquade, mon cher !