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NANA

à terre, rouge comme un coquelicot. Et il ne savait que faire de son bouquet, qu’il passait d’une main dans l’autre, étranglé par l’émotion. Sa jeunesse, son embarras, la drôle de mine qu’il avait avec ses fleurs, attendrirent Nana, qui éclata d’un beau rire. Alors, les enfants aussi ? Maintenant, les hommes lui arrivaient au maillot ? Elle s’abandonna, familière, maternelle, se tapant sur les cuisses et demandant par rigolade :

— Tu veux donc qu’on te mouche, bébé ?

— Oui, répondit le petit d’une voix basse et suppliante.

Cette réponse l’égaya davantage. Il avait dix-sept ans, il s’appelait Georges Hugon. La veille, il était aux Variétés. Et il venait la voir.

— C’est pour moi ces fleurs ?

— Oui.

— Donne-les donc, nigaud !

Mais, comme elle prenait le bouquet, il lui sauta sur les mains, avec la gloutonnerie de son bel âge. Elle dut le battre pour qu’il lâchât prise. En voilà un morveux qui allait raide ! Tout en le grondant, elle était devenue rose, elle souriait. Et elle le renvoya, en lui permettant de revenir. Il chancelait, il ne trouvait plus les portes.

Nana retourna dans son cabinet de toilette, où Francis se présenta presque aussitôt pour la coiffer définitivement. Elle ne s’habillait que le soir. Assise devant la glace, baissant la tête sous les mains agiles du coiffeur, elle restait muette et rêveuse, lorsque Zoé entra, en disant :

— Madame, il y en a un qui ne veut pas partir.

— Eh bien ! il faut le laisser, répondit-elle tranquillement.

— Avec ça, il en vient toujours.