Page:Zola - Nana.djvu/57

Cette page a été validée par deux contributeurs.
57
NANA

madame ne se décrassait pas vite de ses commencements. Elle osa même supplier madame de se calmer.

— Ah ! ouiche ! répondit Nana crûment, ce sont des salauds, ils aiment ça.

Pourtant, elle prit son air de princesse, comme elle disait. Zoé l’avait retenue, au moment où elle se dirigeait vers le salon ; et, d’elle-même, elle introduisit dans le cabinet de toilette le marquis de Chouard et le comte Muffat. C’était beaucoup mieux.

— Messieurs, dit la jeune femme avec une politesse étudiée, je regrette de vous avoir fait attendre.

Les deux hommes saluèrent et s’assirent. Un store de tulle brodé ménageait un demi-jour dans le cabinet. C’était la pièce la plus élégante de l’appartement, tendue d’étoffe claire, avec une grande toilette de marbre, une psyché marquetée, une chaise longue et des fauteuils de satin bleu. Sur la toilette, les bouquets, des roses, des lilas, des jacinthes, mettaient comme un écroulement de fleurs, d’un parfum pénétrant et fort ; tandis que, dans l’air moite, dans la fadeur exhalée des cuvettes, traînait par instant une odeur plus aiguë, quelques brins de patchouli sec, brisés menu au fond d’une coupe. Et, se pelotonnant, ramenant son peignoir mal attaché, Nana semblait avoir été surprise à sa toilette, la peau humide encore, souriante, effarouchée au milieu de ses dentelles.

— Madame, dit gravement le comte Muffat, vous nous excuserez d’avoir insisté… Nous venons pour une quête… Monsieur et moi, sommes membres du bureau de bienfaisance de l’arrondissement.

Le marquis de Chouard se hâta d’ajouter, d’un air galant :