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LES ROUGON-MACQUART

— Flanquez tout ça dehors ! Moi, je vais faire un bézigue avec madame Maloir. J’aime mieux ça.

La sonnerie lui coupa la parole. Ce fut le comble. Encore un raseur ! Elle défendit à Zoé d’aller ouvrir. Celle-ci, sans l’écouter, était sortie de la cuisine. Quand elle reparut, elle dit d’un air d’autorité, en remettant deux cartes :

— J’ai répondu que madame recevait… Ces messieurs sont dans le salon.

Nana s’était levée rageusement. Mais les noms du marquis de Chouard et du comte Muffat de Beuville, sur les cartes, la calmèrent. Elle resta un instant silencieuse.

— Qu’est-ce que c’est que ceux-là ? demanda-t-elle enfin. Vous les connaissez ?

— Je connais le vieux, répondit Zoé en pinçant la bouche d’une façon discrète.

Et, comme sa maîtresse continuait à l’interroger des yeux, elle ajouta simplement :

— Je l’ai vu quelque part.

Cette parole sembla décider la jeune femme. Elle quitta la cuisine à regret, ce refuge tiède où l’on pouvait causer et s’abandonner dans l’odeur du café, chauffant sur un reste de braise. Derrière son dos, elle laissait madame Maloir, qui, maintenant, faisait des réussites ; elle n’avait toujours pas ôté son chapeau ; seulement, pour se mettre à l’aise, elle venait de dénouer les brides et de les rejeter sur ses épaules.

Dans le cabinet de toilette, où Zoé l’aida vivement à passer un peignoir, Nana se vengea des ennuis qu’on lui causait, en mâchant de sourds jurons contre les hommes. Ces gros mots chagrinaient la femme de chambre, car elle voyait avec peine que