Page:Zola - Nana.djvu/523

Cette page a été validée par deux contributeurs.
523
NANA

nêtre ouverte, j’avais promis de vous faire descendre… Ils sont tous à nous appeler.

Rose quittait péniblement le coffre à bois. Elle murmura :

— Je descends, je descends… Bien sûr, elle n’a plus besoin de moi… On va mettre une sœur…

Et elle tournait, sans pouvoir trouver son chapeau et son châle. Machinalement, sur la toilette, elle avait empli une cuvette d’eau, elle se lavait les mains et le visage, en continuant :

— Je ne sais pas, ça m’a donné un grand coup… Nous n’avions guère été gentilles l’une pour l’autre. Eh bien ! vous voyez, j’en suis imbécile… Oh ! toutes sortes d’idées, une envie d’y passer moi-même, la fin du monde… Oui, j’ai besoin d’air.

Le cadavre commençait à empoisonner la chambre. Ce fut une panique, après une longue insouciance.

— Filons, filons, mes petites chattes, répétait Gaga. Ce n’est pas sain.

Elles sortaient vivement, en jetant un regard sur le lit. Mais, comme Lucy, Blanche et Caroline étaient encore là, Rose donna un dernier coup d’œil pour laisser la pièce en ordre. Elle tira un rideau devant la fenêtre ; puis, elle songea que cette lampe n’était pas convenable, il fallait un cierge ; et, après avoir allumé l’un des flambeaux de cuivre de la cheminée, elle le posa sur la table de nuit, à côté du corps. Une lumière vive éclaira brusquement le visage de la morte. Ce fut une horreur. Toutes frémirent et se sauvèrent.

— Ah ! elle est changée, elle est changée, murmurait Rose Mignon, demeurée la dernière.

Elle partit, elle ferma la porte. Nana restait seule, la face en l’air, dans la clarté de la bougie. C’était un charnier, un tas d’humeur et de sang, une pelletée