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NANA

Quand il revint, la Faloise se remettait. Il craignait d’être traité de provincial, s’il se montrait trop interloqué.

— On m’a dit, recommença-t-il, voulant absolument trouver quelque chose, que Nana avait une voix délicieuse.

— Elle ! s’écria le directeur en haussant les épaules, une vraie seringue !

Le jeune homme se hâta d’ajouter :

— Du reste, excellente comédienne.

— Elle !… Un paquet ! Elle ne sait où mettre les pieds et les mains.

La Faloise rougit légèrement. Il ne comprenait plus. Il balbutia :

— Pour rien au monde, je n’aurais manqué la première de ce soir. Je savais que votre théâtre…

— Dites mon bordel, interrompit de nouveau Bordenave, avec le froid entêtement d’un homme convaincu.

Cependant, Fauchery, très calme, regardait les femmes qui entraient. Il vint au secours de son cousin, lorsqu’il le vit béant, ne sachant s’il devait rire ou se fâcher.

— Fais donc plaisir à Bordenave, appelle son théâtre comme il te le demande, puisque ça l’amuse… Et vous, mon cher, ne nous faites pas poser. Si votre Nana ne chante ni ne joue, vous aurez un four, voilà tout. C’est ce que je crains, d’ailleurs.

— Un four ! un four ! cria le directeur dont la face s’empourprait. Est-ce qu’une femme a besoin de savoir jouer et chanter ? Ah ! mon petit, tu es trop bête… Nana a autre chose, parbleu ! et quelque chose qui remplace tout. Je l’ai flairée, c’est joliment fort chez elle, ou je n’ai plus que le nez d’un imbé-