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NANA

que le surlendemain ; mais, ayant terminé l’affaire, il hâta son retour, et, sans même passer rue Miromesnil, se rendit avenue de Villiers. Dix heures sonnaient. Comme il avait une clef d’une petite porte ouvrant sur la rue Cardinet, il monta librement. En haut, dans le salon, Zoé, qui essuyait les bronzes, resta saisie ; et, ne sachant comment l’arrêter, elle se mit à lui conter en longues phrases que M. Venot, l’air bouleversé, le cherchait depuis la veille, qu’il était déjà venu deux fois la supplier de renvoyer monsieur chez lui, si monsieur descendait d’abord chez madame. Muffat l’écoutait, ne comprenant rien à cette histoire ; puis, il remarqua son trouble, et, pris tout à coup d’une rage jalouse, dont il ne se croyait plus capable, il se jeta dans la porte de la chambre, où il entendait des rires. La porte céda, les deux battants volèrent, pendant que Zoé se retirait avec un haussement d’épaules. Tant pis ! puisque madame devenait folle, madame s’arrangerait toute seule.

Et Muffat, sur le seuil, eut un cri, devant la chose qu’il voyait.

— Mon Dieu !… mon Dieu !

Dans son luxe royal, la nouvelle chambre resplendissait. Des capitons d’argent semaient d’étoiles vives le velours rose thé de la tenture, de ce rose de chair que le ciel prend par les beaux soirs, lorsque Vénus s’allume à l’horizon, sur le fond clair du jour qui se meurt ; tandis que les cordelières d’or tombant des angles, les dentelles d’or encadrant les panneaux étaient comme des flammes légères, des chevelures rousses dénouées, couvrant à demi la grande nudité de la pièce, dont elles rehaussaient la pâleur voluptueuse. Puis, en face, c’était le lit d’or et d’argent qui rayonnait avec l’éclat neuf de ses