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NANA

aux amis, aux passants, en bonne bête née pour vivre sans chemise.

Un matin qu’il vit sortir Foucarmont de chez elle, à une heure singulière, il lui fit une scène. Du coup, elle se fâcha, fatiguée de sa jalousie. Déjà, plusieurs fois, elle s’était montrée gentille. Ainsi, le soir où il l’avait surprise avec Georges, elle était revenue la première, avouant ses torts, le comblant de caresses et de mots aimables, pour lui faire avaler ça. Mais, à la fin, il l’assommait avec son entêtement à ne pas comprendre les femmes ; et elle fut brutale.

— Eh bien ! oui, j’ai couché avec Foucarmont. Après ?… Hein ? ça te défrise, mon petit mufe !

C’était la première fois qu’elle lui jetait « mon petit mufe » à la figure. Il restait suffoqué par la carrure de son aveu ; et, comme il serrait les poings, elle marcha vers lui, le regarda en face.

— En voilà assez, hein ?… Si ça ne te convient pas, tu vas me faire le plaisir de sortir… Je ne veux pas que tu cries chez moi… Mets bien dans ta caboche que j’entends être libre. Quand un homme me plaît, je couche avec. Parfaitement, c’est comme ça… Et il faut te décider tout de suite : oui ou non, tu peux sortir.

Elle était allée ouvrir la porte. Il ne sortit pas. Maintenant, c’était sa façon de l’attacher davantage ; pour un rien, à la moindre querelle, elle lui mettait le marché en main, avec des réflexions abominables. Ah bien ! elle trouverait toujours mieux que lui, elle avait l’embarras du choix ; on ramassait des hommes dehors, tant qu’on en voulait, et des hommes moins godiches, dont le sang bouillait dans les veines. Il baissait la tête, il attendait des heures plus douces, lorsqu’elle avait un besoin d’argent ; alors, elle se faisait caressante, et il oubliait, une nuit de ten-