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NANA

le cabinet de toilette une paire de ciseaux très pointus, dont Nana avait la continuelle manie de se servir pour éplucher sa personne, se rognant des peaux, se coupant des poils. Alors, pendant une heure, il patienta, les doigts collés nerveusement aux ciseaux, la main dans la poche.

— Voilà madame, dit en revenant Zoé, qui avait dû la guetter par la fenêtre de la chambre.

Il y eut des courses dans l’hôtel ; des rires s’éteignirent, des portes se fermèrent. Georges entendit Nana qui payait le boulanger, d’une voix brève. Puis, elle monta.

— Comment ! tu es encore ici ! dit-elle en l’apercevant. Ah ! nous allons nous fâcher, mon bonhomme !

Il la suivait, pendant qu’elle se dirigeait vers la chambre.

— Nana, veux-tu m’épouser ?

Mais elle haussa les épaules. C’était trop bête, elle ne répondait plus. Son idée était de lui jeter la porte sur la figure.

— Nana, veux-tu m’épouser ?

Elle lança la porte. D’une main, il la rouvrit, tandis qu’il sortait l’autre main de la poche, avec les ciseaux. Et, simplement, d’un grand coup, il se les enfonça dans la poitrine.

Cependant, Nana avait eu conscience d’un malheur ; elle s’était tournée. Quand elle le vit se frapper, elle fut prise d’une indignation.

— Mais est-il bête ! mais est-il bête ! Et avec mes ciseaux encore !… Veux-tu bien finir, méchant gamin !… Ah ! mon Dieu ! ah ! mon Dieu !

Elle s’effarait. Le petit, tombé sur les genoux, venait de se porter un second coup, qui l’avait jeté tout de son long sur le tapis. Il barrait le seuil de la