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NANA

Nana, surprise, hésita une seconde.

— D’un monsieur, répondit-elle.

— Tiens ! reprit la tante, on prétendait que tu l’avais eu d’un maçon qui te battait… Enfin, tu me raconteras ça un jour ; tu sais si je suis discrète !… Va, je le soignerai, comme s’il était le fils d’un prince.

Elle avait cessé le métier de fleuriste et vivait de ses économies, six cents francs de rentes amassés sou à sou. Nana promit de lui louer un joli petit logement ; en outre, elle lui donnerait cent francs par mois. À ce chiffre, la tante s’oublia, cria à la nièce de leur serrer le gaviot, puisqu’elle les tenait ; elle parlait des hommes. Toutes deux s’embrassèrent encore. Mais Nana, au milieu de sa joie, comme elle remettait la conversation sur Louiset, parut s’assombrir à un brusque souvenir.

— Est-ce embêtant, il faut que je sorte à trois heures ! murmura-t-elle. En voilà une corvée !

Justement, Zoé venait dire que madame était servie. On passa dans la salle à manger, où une dame âgée se trouvait déjà assise, devant la table. Elle n’avait pas retiré son chapeau, vêtue d’une robe sombre de couleur indécise, entre le puce et le caca d’oie. Nana ne parut pas étonnée de la voir là. Elle lui demanda simplement pourquoi elle n’était pas entrée dans la chambre.

— J’ai entendu des voix, répondit la vieille. J’ai pensé que vous étiez en compagnie.

Madame Maloir, l’air respectable, ayant des manières, servait de vieille amie à Nana ; elle lui tenait société et l’accompagnait. La présence de madame Lerat sembla d’abord l’inquiéter. Puis, quand elle sut que c’était une tante, elle la regarda d’un air doux, avec un pâle sourire. Cependant, Nana, qui disait