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NANA

— Quand je vous dis !… On lui joue sa valse, parbleu ! elle arrive. Et puis, elle est de la réconciliation, que diable !… Comment ! vous ne voyez pas ! Elle les serre sur son cœur tous les trois, mon cousin, ma cousine et son époux, en les appelant ses petits chats. Moi ça me retourne, ces scènes de famille.

Estelle s’était approchée. Fauchery la complimentait, pendant que, raide dans sa robe rose, elle le regardait de son air étonné d’enfant silencieuse, en jetant des coups d’œil sur son père et sa mère. Daguenet, lui aussi, échangeait une chaude poignée de main avec le journaliste. Ils faisaient un groupe souriant ; et, derrière eux, M. Venot se glissait, les couvant d’un œil béat, les enveloppant de sa douceur dévote, heureux de ces derniers abandons qui préparaient les voies de la Providence.

Mais la valse déroulait toujours son balancement de rieuse volupté. C’était une reprise plus haute du plaisir battant le vieil hôtel comme une marée montante. L’orchestre enflait les trilles de ses petites flûtes, les soupirs pâmés de ses violons ; sous le velours de Gênes, les ors et les peintures, les lustres dégageaient une chaleur vivante, une poussière de soleil ; tandis que la foule des invités, multipliée dans les glaces, semblait s’élargir, avec le murmure grandi de ses voix. Autour du salon, les couples qui passaient, les mains à la taille, parmi les sourires des femmes assises, accentuaient davantage le branle des planchers. Dans le jardin, une lueur de braise, tombée des lanternes vénitiennes, éclairait d’un lointain reflet d’incendie les ombres noires des promeneurs, cherchant un peu d’air au fond des allées. Et ce tressaillement des murs, cette nuée rouge, étaient comme la flambée dernière, où craquait l’antique honneur brûlant aux quatre coins du logis. Les