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NANA


— Il paraît qu’il se ruine, continua madame Chantereau. Mon mari a eu entre les mains un billet… Il vit maintenant dans cet hôtel de l’avenue de Villiers. Tout Paris en cause… Mon Dieu ! je n’excuse pas Sabine ; avouez pourtant qu’il lui donne bien des sujets de plainte, et, dame ! si elle jette aussi l’argent par les fenêtres…

— Elle n’y jette pas que l’argent, interrompit l’autre. Enfin, à deux, ils iront plus vite… Une noyade dans la boue, ma chère.

Mais une voix douce les interrompit. C’était M. Venot. Il était venu s’asseoir derrière elles, comme désireux de disparaître ; et, se penchant, il murmurait :

— Pourquoi désespérer ? Dieu se manifeste, lorsque tout semble perdu.

Lui, assistait paisiblement à la débâcle de cette maison qu’il gouvernait jadis. Depuis son séjour aux Fondettes, il laissait l’affolement grandir, avec la conscience très nette de son impuissance. Il avait tout accepté, la passion enragée du comte pour Nana, la présence de Fauchery près de la comtesse, même le mariage d’Estelle et de Daguenet. Qu’importaient ces choses ! Et il se montrait plus souple, plus mystérieux, nourrissant l’idée de s’emparer du jeune ménage comme du ménage désuni, sachant bien que les grands désordres jettent aux grandes dévotions. La Providence aurait son heure.

— Notre ami, continua-t-il à voix basse, est toujours animé des meilleurs sentiments religieux… Il m’en a donné les preuves les plus douces.

— Eh bien ! dit madame Du Joncquoy, il devrait d’abord se remettre avec sa femme.

— Sans doute… Justement, j’ai l’espoir que cette réconciliation ne tardera pas.

Alors, les deux vieilles dames le questionnèrent.