Page:Zola - Nana.djvu/435

Cette page a été validée par deux contributeurs.
435
NANA

il lui fit prendre un peu d’éther. Et elle soupira, elle le questionna, sans nommer Daguenet.

— À quand le mariage ?

— On signe le contrat mardi, dans cinq jours, répondit-il.

Alors, les paupières toujours closes, comme si elle parlait dans la nuit de ses pensées :

— Enfin, mon chat, vois ce que tu as à faire… Moi, je veux que tout le monde soit content.

Il la calma, en lui prenant une main. Oui, l’on verrait, l’important était qu’elle se reposât. Et il ne se révoltait plus, cette chambre de malade, si tiède et si endormie, trempée d’éther, avait achevé de l’assoupir dans un besoin de paix heureuse. Toute sa virilité, enragée par l’injure, s’en était allée à la chaleur de ce lit, près de cette femme souffrante, qu’il soignait, avec l’excitation de sa fièvre et le ressouvenir de leurs voluptés. Il se penchait vers elle, il la serrait dans une étreinte ; tandis que, la figure immobile, elle avait aux lèvres un fin sourire de victoire. Mais le docteur Boutarel parut.

— Eh bien ! et cette chère enfant ? dit-il familièrement à Muffat, qu’il traitait en mari. Diable ! nous l’avons fait causer !

Le docteur était un bel homme, jeune encore, qui avait une clientèle superbe dans le monde galant. Très gai, riant en camarade avec ces dames, mais ne couchant jamais, il se faisait payer fort cher et avec la plus grande exactitude. D’ailleurs, il se dérangeait au moindre appel, Nana l’envoyait chercher deux ou trois fois par semaine, toujours tremblante à l’idée de la mort, lui confiant avec anxiété des bobos d’enfant, qu’il guérissait en l’amusant de commérages et d’histoires folles. Toutes ces dames l’adoraient. Mais, cette fois, le bobo était sérieux.