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NANA


Puis, quand il se pencha pour la baiser sur les cheveux, elle s’attendrit, elle lui parla de l’enfant, de bonne foi, comme s’il en était le père.

— Je n’osais pas te dire… Je me sentais si heureuse ! Oh ! je faisais des rêves, j’aurais voulu qu’il fût digne de toi. Et voilà, il n’y a plus rien… Enfin, ça vaut mieux peut-être. Je n’entends pas mettre un embarras dans ta vie.

Lui, étonné de cette paternité, balbutiait des phrases. Il avait pris une chaise et s’était assis contre le lit, un bras appuyé aux couvertures. Alors, la jeune femme remarqua son visage bouleversé, le sang qui rougissait ses yeux, la fièvre dont tremblaient ses lèvres.

— Qu’as-tu donc ? demanda-t-elle. Tu es malade, toi aussi ?

— Non, dit-il péniblement.

Elle le regarda d’un air profond. Puis, d’un signe, elle renvoya Zoé, qui s’attardait à ranger les fioles. Et, quand ils furent seuls, elle l’attira, en répétant :

— Qu’as-tu, chéri ?… Tes yeux crèvent de larmes, je le vois bien… Allons, parle, tu es venu pour me dire quelque chose.

— Non, non, je te le jure, bégaya-t-il.

Mais, étranglé de souffrance, attendri encore par cette chambre de malade où il tombait sans savoir, il éclata en sanglots, il enfouit son visage dans les draps, pour étouffer l’explosion de sa douleur. Nana avait compris. Bien sûr, Rose Mignon s’était décidée à envoyer la lettre. Elle le laissa pleurer un instant, secoué de convulsions si rudes, qu’il la remuait dans le lit. Enfin, d’un accent de maternelle compassion :

— Tu as eu des ennuis chez toi ?

Il dit oui de la tête. Elle fit une nouvelle pause, puis très bas :