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NANA

patrie ! Labordette, qu’il exaspérait, le menaça sérieusement de le jeter en bas de la voiture.

— Voyons combien ils mettront de minutes, dit paisiblement Bordenave, qui, tout en soutenant Louiset, avait tiré sa montre.

Un à un, derrière le bouquet d’arbres, les chevaux reparaissaient. Ce fut une stupeur, la foule eut un long murmure. Valerio II tenait encore la tête ; mais Spirit le gagnait, et derrière lui Lusignan avait lâché, tandis qu’un autre cheval prenait la place. On ne comprit pas tout de suite, on confondait les casaques. Des exclamations partaient.

— Mais c’est Nana !… Allons donc, Nana ! je vous dis que Lusignan n’a pas bougé… Eh ! oui, c’est Nana. On la reconnaît bien, à sa couleur d’or… La voyez-vous maintenant ! Elle est en feu… Bravo, Nana ! en voilà une mâtine !… Bah ! ça ne signifie rien. Elle fait le jeu de Lusignan.

Pendant quelques secondes, ce fut l’opinion de tous. Mais, lentement, la pouliche gagnait toujours, dans un effort continu. Alors, une émotion immense se déclara. La queue des chevaux, en arrière, n’intéressait plus. Une lutte suprême s’engageait entre Spirit, Nana, Lusignan et Valerio II. On les nommait, on constatait leur progrès ou leur défaillance, dans des phrases sans suite, balbutiées. Et Nana, qui venait de monter sur le siège de son cocher, comme soulevée, restait toute blanche, prise d’un tremblement, si empoignée, qu’elle se taisait. Près d’elle, Labordette avait retrouvé son sourire.

— Hein ? l’Anglais a du mal, dit joyeusement Philippe. Il ne va pas bien.

— En tout cas, Lusignan est fini, cria la Faloise. C’est Valerio II qui vient… Tenez ! voilà les quatre en peloton.