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LES ROUGON-MACQUART

— Ah ! mes enfants, dit-elle en remontant dans son landau, une blague, leur enceinte du pesage !

On l’acclamait, on battait des mains autour d’elle : « Bravo ! Nana !… Nana nous est rendue !… » Qu’ils étaient bêtes ! Est-ce qu’ils la prenaient pour une lâcheuse ? Elle revenait au bon moment. Attention ! ça commençait. Et le champagne en était oublié, on cessa de boire.

Mais Nana restait surprise de trouver Gaga dans sa voiture, avec Bijou et Louiset sur les genoux ; Gaga s’était décidée, pour se rapprocher de la Faloise, tout en racontant qu’elle avait voulu embrasser bébé. Elle adorait les enfants.

— À propos, et Lili ? demanda Nana. C’est bien elle qui est là-bas, dans le coupé de ce vieux ?… On vient de m’apprendre quelque chose de propre.

Gaga avait pris une figure éplorée.

— Ma chère, j’en suis malade, dit-elle avec douleur. Hier, j’ai dû garder le lit, tant j’avais pleuré, et aujourd’hui je ne croyais pas pouvoir venir… Hein ? tu sais quelle était mon opinion ? Je ne voulais pas, je l’avais fait élever dans un couvent, pour un bon mariage. Et des conseils sévères, et une surveillance continuelle… Eh bien ! ma chère, c’est elle qui a voulu. Oh ! une scène, des larmes, des mots désagréables, au point même que je lui ai allongé une calotte. Elle s’ennuyait trop, elle voulait y passer… Alors, quand elle s’est mise à dire : « C’est pas toi, après tout, qui as le droit de m’en empêcher, » je lui ai dit : « Tu es une misérable, tu nous déshonores, va-t’en ! » Et ça s’est fait, j’ai consenti à arranger ça… Mais voilà mon dernier espoir fichu, moi qui avais rêvé, ah ! des choses si bien !

Le bruit d’une querelle les fit se lever. C’était