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LES ROUGON-MACQUART

homme avait perdu coup sur coup des sommes très lourdes, et lui aussi jouait ce jour-là sa carte suprême, les yeux pleins de sang, crevant d’apoplexie.

— Eh bien ! Maréchal, demanda tout bas Vandeuvres, pour combien en avez-vous donné ?

— Pour cinq mille louis, monsieur le comte, répondit le bookmaker en baissant également la voix. Hein ? c’est joli… Je vous avouerai que j’ai baissé la cote, je l’ai mise à trois.

Vandeuvres eut l’air très contrarié.

— Non, non, je ne veux pas, remettez-la à deux tout de suite… Je ne vous dirai plus rien, Maréchal.

— Oh ! maintenant, qu’est-ce que ça peut faire à monsieur le comte ? reprit l’autre avec un sourire humble de complice. Il me fallait bien attirer le monde pour donner vos deux mille louis.

Alors, Vandeuvres le fit taire. Mais, comme il s’éloignait, Maréchal, pris d’un souvenir, regretta de ne pas l’avoir questionné sur la hausse de sa pouliche. Il était propre, si la pouliche avait des chances, lui qui venait de la donner pour deux cents louis à cinquante.

Nana, qui ne comprenait rien aux paroles chuchotées par le comte, n’osa pourtant demander de nouvelles explications. Il paraissait plus nerveux, il la confia brusquement à Labordette, qu’ils trouvèrent devant la salle du pesage.

— Vous la ramènerez, dit-il. Moi, j’ai à faire… Au revoir.

Et il entra dans la salle, une pièce étroite, basse de plafond, encombrée d’une grande balance. C’était comme une salle de bagages, dans une station de banlieue. Nana eut encore là une grosse déception, elle qui se figurait quelque chose de très vaste, une machine monumentale pour peser les chevaux. Com-