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NANA

Et la discussion recommença. Price était une célébrité anglaise, inconnue en France. Pourquoi Vandeuvres avait-il fait venir ce jockey, lorsque Gresham montait Nana d’ordinaire ? D’ailleurs, on s’étonnait de le voir confier Lusignan à ce Gresham, qui n’arrivait jamais, selon la Faloise. Mais toutes ces remarques se noyaient dans les plaisanteries, les démentis, le brouhaha d’un pêle-mêle d’opinions extraordinaire. On se remettait à vider des bouteilles de champagne pour tuer le temps. Puis, un chuchotement courut, les groupes s’écartèrent. C’était Vandeuvres. Nana affecta d’être fâchée.

— Eh bien ! vous êtes gentil, d’arriver à cette heure !… Moi qui brûle de voir l’enceinte du pesage.

— Alors, venez, dit-il, il est temps encore. Vous ferez un tour. J’ai justement sur moi une entrée pour dame.

Et il l’emmena à son bras, heureuse des regards jaloux dont Lucy, Caroline et les autres la suivaient. Derrière elle, les fils Hugon et la Faloise, restés dans le landau, continuaient à faire les honneurs de son champagne. Elle leur criait qu’elle revenait tout de suite.

Mais Vandeuvres, ayant aperçu Labordette, l’appela ; et quelques paroles brèves furent échangées.

— Vous avez tout ramassé ?

— Oui.

— Pour combien ?

— Quinze cents louis, un peu partout.

Comme Nana tendait curieusement l’oreille, ils se turent. Vandeuvres, très nerveux, avait ses yeux clairs, allumés de petites flammes, qui l’effrayaient la nuit, lorsqu’il parlait de se faire flamber avec ses chevaux. En traversant la piste, elle baissa la voix, elle le tutoya.