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NANA

noms de vieux grigou, et de moricaud, les deux hommes qui payaient, un commerçant du faubourg Saint Denis, de tempérament économe, et un Valaque, un prétendu comte, dont l’argent, toujours très irrégulier, avait une étrange odeur. Daguenet s’était fait donner les lendemains du vieux grigou ; comme le commerçant devait être le matin à sa maison, dès huit heures, le jeune homme guettait son départ, de la cuisine de Zoé, et prenait sa place toute chaude, jusqu’à dix heures ; puis, lui-même allait à ses affaires. Nana et lui trouvaient ça très commode.

— Tant pis ! dit-elle, je lui écrirai cette après-midi… Et, s’il ne reçoit pas ma lettre, demain vous l’empêcherez d’entrer.

Cependant, Zoé marchait doucement dans la chambre. Elle parlait du grand succès de la veille. Madame venait de montrer tant de talent, elle chantait si bien ! Ah ! madame pouvait être tranquille, à cette heure !

Nana, le coude dans l’oreiller, ne répondait que par des hochements de tête. Sa chemise avait glissé, ses cheveux dénoués, embroussaillés, roulaient sur ses épaules.

— Sans doute, murmura-t-elle, devenue rêveuse ; mais comment faire pour attendre ? Je vais avoir toutes sortes d’embêtements aujourd’hui… Voyons, est-ce que le concierge est encore monté, ce matin ?

Alors, toutes deux causèrent sérieusement. On devait trois termes, le propriétaire parlait de saisie. Puis, il y avait une débâcle de créanciers, un loueur de voitures, une lingère, un couturier, un charbonnier, d’autres encore, qui venaient chaque jour s’installer sur une banquette de l’antichambre ; le char-