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LES ROUGON-MACQUART

Mais, par-dessus l’épaule de Muffat, elle rencontra le regard de Satin. Inquiète, elle le lâcha, elle continua gravement :

— Mon ami, il faut que ce mariage se fasse, je ne veux pas empêcher le bonheur de ta fille… Ce jeune homme est très bien, tu ne saurais trouver mieux.

Et elle se lança dans un éloge extraordinaire de Daguenet. Le comte lui avait repris les mains ; il ne disait plus non, il verrait, on causerait de cela. Puis, comme il parlait de se coucher, elle baissa la voix, elle donna des raisons. Impossible, elle était indisposée ; s’il l’aimait un peu, il n’insisterait pas. Pourtant, il s’entêtait, il refusait de partir, et elle faiblissait, lorsque de nouveau elle rencontra le regard de Satin. Alors, elle fut inflexible. Non, ça ne se pouvait pas. Le comte, très ému, l’air souffrant, s’était levé et cherchait son chapeau. Mais, à la porte, il se rappela la parure de saphirs, dont il sentait l’écrin dans sa poche ; il voulait la cacher au fond du lit pour qu’elle la trouvât avec ses jambes, en se couchant la première ; une surprise de grand enfant qu’il méditait depuis le dîner. Et, dans son trouble, dans son angoisse d’être renvoyé ainsi, il lui remit brusquement l’écrin.

— Qu’est-ce que c’est ? demanda-t-elle. Tiens ! des saphirs… Ah ! oui, cette parure. Comme tu es aimable !… Dis donc, mon chéri, tu crois que c’est la même ? Dans la vitrine, ça faisait plus d’effet.

Ce fut tout son remerciement, elle le laissa partir. Il venait d’apercevoir Satin, allongée dans son attente silencieuse. Alors, il regarda les deux femmes ; et, n’insistant plus, se soumettant, il descendit. La porte du vestibule n’était pas refermée, que Satin empoigna Nana, par la taille, dansa, chanta. Puis, courant vers la fenêtre :