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LES ROUGON-MACQUART

cette force, il l’endormit d’un bercement sans fin de paroles, lui contant des histoires imbéciles. Quand ils quittèrent la table d’hôte, elle était toute rose, vibrante à son bras, reconquise. Comme il faisait très beau, elle renvoya sa voiture, l’accompagna à pied jusque chez lui, puis monta, naturellement. Deux heures plus tard, elle dit, en se rhabillant :

— Alors, Mimi, tu y tiens, à ce mariage ?

— Dame ! murmura-t-il, c’est encore ce que je ferais de mieux… Tu sais que je n’ai plus le sac.

Elle l’appela pour boutonner ses bottines. Et, au bout d’un silence :

— Mon Dieu ! moi, je veux bien… Je te pistonnerai… Elle est sèche comme un échalas, cette petite. Mais puisque ça fait votre affaire à tous… Oh ! je suis complaisante, je vais te bâcler ça.

Puis, se mettant à rire, la gorge nue encore :

— Seulement, qu’est-ce que tu me donnes ?

Il l’avait saisie, il lui baisait les épaules, dans un élan de reconnaissance. Elle, très gaie, frémissante, se débattait, se renversait.

— Ah ! je sais, cria-t-elle, excitée par ce jeu. Écoute ce que je veux pour ma commission… Le jour de ton mariage, tu m’apporteras l’étrenne de ton innocence… Avant ta femme, entends-tu !

— C’est ça ! c’est ça ! dit-il, riant plus fort qu’elle.

Ce marché les amusa. Ils trouvaient l’histoire bien bonne.

Justement, le lendemain, il y avait un dîner chez Nana ; d’ailleurs, le dîner habituel du jeudi, Muffat, Vandeuvres, les fils Hugon et Satin. Le comte arriva de bonne heure. Il avait besoin de quatre-vingt mille francs pour débarrasser la jeune femme de deux ou trois créances et lui donner une parure de saphirs dont elle mourait d’envie. Comme il venait déjà d’en-