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LES ROUGON-MACQUART

elle haussa les épaules. D’où sortait-il ? Ça se faisait partout, et elle nomma ses amies, elle jura que les dames du monde en étaient. Enfin, à l’entendre, il n’y avait rien de plus commun ni de plus naturel. Ce qui n’était pas vrai, n’était pas vrai ; ainsi, tout à l’heure, il avait vu comme elle s’indignait, au sujet de Vandeuvres et des fils Hugon. Ah ! pour ça, il aurait eu raison de l’étrangler. Mais à quoi bon lui mentir sur une chose sans conséquence ? Et elle répétait sa phrase :

— Qu’est-ce que ça peut te faire, voyons ?

Puis, la scène continuant, elle coupa court d’une voix rude.

— D’ailleurs, mon cher, si ça ne te convient pas, c’est bien simple… Les portes sont ouvertes… Voilà ! il faut me prendre comme je suis.

Il baissa la tête. Au fond, il restait heureux des serments de la jeune femme. Elle, voyant sa puissance, commença à ne plus le ménager. Et, dès lors, Satin fut installée dans la maison, ouvertement, sur le même pied que ces messieurs. Vandeuvres n’avait pas eu besoin des lettres anonymes pour comprendre ; il plaisantait, il cherchait des querelles de jalousie à Satin ; tandis que Philippe et Georges la traitaient en camarade, avec des poignées de main et des plaisanteries très raides.

Nana eut une aventure, un soir que, lâchée par cette gueuse, elle était allée dîner rue des Martyrs, sans pouvoir mettre la main sur elle. Comme elle mangeait seule, Daguenet avait paru ; bien qu’il se fût rangé, il venait parfois, repris d’un besoin de vice, espérant n’être pas rencontré dans ces coins noirs des ordures de Paris. Aussi la présence de Nana sembla-t-elle le gêner d’abord. Mais il n’était pas homme à battre en retraite. Il s’avança avec un sourire. Il demanda si madame voulait bien lui permettre de dîner