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NANA

qu’elles levaient au sortir de table. Ces jours-là, Laure, sanglée et luisante, baisait tout son monde d’un air de maternité plus large. Satin pourtant, au milieu de ces histoires, gardait son calme, avec ses yeux bleus et son pur visage de vierge ; mordue, battue, tiraillée entre les deux femmes, elle disait simplement que c’était drôle, qu’elles auraient bien mieux fait de s’entendre. Ça n’avançait à rien de la gifler ; elle ne pouvait se couper en deux, malgré sa bonne volonté d’être gentille pour tout le monde. À la fin, ce fut Nana qui l’emporta, tellement elle combla Satin de tendresses et de cadeaux ; et, pour se venger, madame Robert écrivit aux amants de sa rivale des lettres anonymes abominables.

Depuis quelque temps, le comte Muffat paraissait soucieux. Un matin, très ému, il mit sous les yeux de Nana une lettre anonyme, où celle-ci, dès les premières lignes, lut qu’on l’accusait de tromper le comte avec Vandeuvres et les fils Hugon.

— C’est faux ! c’est faux ! cria-t-elle énergiquement, d’un accent de franchise extraordinaire.

— Tu le jures ? demanda Muffat, déjà soulagé.

— Oh ! sur ce que tu voudras… Tiens ! sur la tête de mon enfant !

Mais la lettre était longue. Ensuite, ses rapports avec Satin s’y trouvaient racontés en termes d’une crudité ignoble. Quand elle eut fini, elle eut un sourire.

— Maintenant, je sais d’où ça vient, dit-elle simplement.

Et, comme Muffat voulait un démenti, elle reprit avec tranquillité :

— Ça, mon loup, c’est une chose qui ne te regarde pas… Qu’est-ce que ça peut te faire ?

Elle ne niait point. Il eut des paroles révoltées. Alors,