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NANA

chery se montrant froid et faisant des objections, il se vexa tout de suite. Très bien ! Du moment où l’esprit du rôle lui échappait, il vaudrait mieux pour tout le monde qu’il ne le jouât pas.

— Fauchery ! cria de nouveau Bordenave.

Alors, le jeune homme se sauva, heureux d’échapper à l’acteur, qui demeura blessé d’une retraite si prompte.

— Ne restons pas là, reprit Bordenave. Venez, messieurs.

Pour se garer des oreilles curieuses, il les mena dans le magasin des accessoires, derrière la scène. Mignon, surpris, les regarda disparaître. On descendait quelques marches. C’était une pièce carrée, dont les deux fenêtres donnaient sur la cour. Un jour de cave entrait par les vitres sales, blafard sous le plafond bas. Là, dans des casiers, qui encombraient la pièce, traînait un bric-à-brac d’objets de toutes sortes, le déballage d’un revendeur de la rue de Lappe qui liquide, un pêle-mêle sans nom d’assiettes, de coupes en carton doré, de vieux parapluies rouges, de cruches italiennes, de pendules de tous les styles, de plateaux et d’encriers, d’armes à feu et de seringues ; le tout sous une couche de poussière d’un pouce, méconnaissable, ébréché, cassé, entassé. Et une insupportable odeur de ferraille, de chiffons, de cartonnages humides, montait de ces tas, où les débris des pièces jouées s’amoncelaient depuis cinquante ans.

— Entrez, répétait Bordenave. Nous serons seuls au moins.

Le comte, très gêné, fit quelques pas pour laisser le directeur risquer seul la proposition. Fauchery s’étonnait.

— Quoi donc ? demanda-t-il.