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LES ROUGON-MACQUART

faire. Tout ça ne t’avance à rien. Puisque ce n’est pas possible… Mon Dieu ! que tu es jeune !

Il s’apaisa. Mais il restait par terre, il ne la lâchait pas, disant d’une voix entrecoupée :

— Écoute au moins ce que je venais t’offrir… Déjà, j’ai vu un hôtel, près du parc Monceau. Je réaliserais tous tes désirs. Pour t’avoir sans partage, je donnerais ma fortune… Oui ! ce serait l’unique condition : sans partage, entends-tu ! Et si tu consentais à n’être qu’à moi, oh ! je te voudrais la plus belle, la plus riche, voitures, diamants, toilettes…

Nana, à chaque offre, disait non de la tête, superbement. Puis, comme il continuait, comme il parlait de placer de l’argent sur elle, ne sachant plus quoi mettre à ses pieds, elle parut perdre patience.

— Voyons, as-tu fini de me tripoter ?… Je suis bonne fille, je veux bien un moment, puisque ça te rend si malade ; mais en voilà assez, n’est-ce pas ?… Laisse-moi me lever. Tu me fatigues.

Elle se dégagea. Quand elle fut debout :

— Non, non, non… Je ne veux pas.

Alors, il se ramassa, péniblement ; et, sans force, il tomba sur la chaise, accoudé au dossier, le visage entre les mains. Nana marchait à son tour. Un moment, elle regarda le papier taché, la toilette grasse, ce trou sale qui baignait dans un soleil pâle. Puis, s’arrêtant devant le comte, elle parla avec une carrure tranquille.

— C’est drôle, les hommes riches s’imaginent qu’ils peuvent tout avoir pour leur argent… Eh bien ! et si je ne veux pas ?… Je me fiche de tes cadeaux. Tu me donnerais Paris, ce serait non, toujours non… Vois-tu, ce n’est guère propre, ici. Eh bien ! je trouverais ça très gentil, si ça me plaisait d’y vivre avec toi ; tandis qu’on crève dans tes palais, si le cœur n’y est