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NANA

Fontan pour le trahir avec un ami. Les autres ne comptaient pas, du moment qu’il n’y avait pas de plaisir et que c’était par nécessité. Devant cet entêtement stupide, Prullière commit une lâcheté de joli homme vexé dans son amour-propre.

— Eh bien ! à ton aise, déclara-t-il. Seulement, je ne vais pas de ton côté, ma chère… Tire-toi d’affaire toute seule.

Et il l’abandonna. Son épouvante la reprit, elle fit un détour énorme pour rentrer à Montmartre, filant raide le long des boutiques, pâlissant dès qu’un homme s’approchait d’elle.

Ce fut le lendemain, dans l’ébranlement de ses terreurs de la veille, que Nana, en allant chez sa tante, se trouva nez à nez avec Labordette, au fond d’une petite rue solitaire des Batignolles. D’abord, l’un et l’autre parurent gênés. Lui, toujours complaisant, avait des affaires qu’il cachait. Pourtant, il se remit le premier, il s’exclama sur la bonne rencontre. Vrai, tout le monde était encore stupéfait de l’éclipse totale de Nana. On la réclamait, les anciens amis séchaient sur pied. Et, se faisant paternel, il finit par la sermonner.

— Entre nous, ma chère, franchement, ça devient bête… On comprend une toquade. Seulement, en venir là, être grugée à ce point et n’empocher que des gifles !… Tu poses donc pour les prix de vertu ?

Elle l’écoutait d’un air embarrassé. Cependant, lorsqu’il lui parla de Rose, qui triomphait avec sa conquête du comte Muffat, une flamme passa dans ses yeux. Elle murmura :

— Oh ! si je voulais…

Il proposa tout de suite son entremise, en ami obligeant. Mais elle refusa. Alors, il l’attaqua par un autre point. Il lui apprit que Bordenave montait