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LES ROUGON-MACQUART

vaient consulter, avec défense de jamais toucher à celles-là : elle n’en gardait pas moins un tremblement, elle se voyait toujours bousculée, traînée, jetée le lendemain à la visite ; et ce fauteuil de la visite l’emplissait d’angoisse et de honte, elle qui avait lancé vingt fois sa chemise par-dessus les moulins.

Justement, vers la fin de septembre, un soir qu’elle se promenait avec Satin sur le boulevard Poissonnière, celle-ci tout d’un coup se mit à galoper. Et, comme elle l’interrogeait :

— Les agents, souffla-t-elle. Hue donc ! hue donc !

Ce fut, au milieu de la cohue, une course folle. Des jupes fuyaient, se déchiraient. Il y eut des coups et des cris. Une femme tomba. La foule regardait avec des rires la brutale agression des agents, qui, rapidement, resserraient leur cercle. Cependant, Nana avait perdu Satin. Les jambes mortes, elle allait sûrement être arrêtée, lorsqu’un homme, l’ayant prise à son bras, l’emmena devant les agents furieux. C’était Prullière, qui venait de la reconnaître. Sans parler, il tourna avec elle dans la rue Rougemont, alors déserte, où elle put souffler, si défaillante, qu’il dut la soutenir. Elle ne le remerciait seulement pas.

— Voyons, dit-il enfin, il faut te remettre… Monte chez moi.

Il logeait à côté, rue Bergère. Mais elle se redressa aussitôt.

— Non, je ne veux pas.

Alors, il devint grossier, reprenant :

— Puisque tout le monde y passe… Hein ? pourquoi ne veux-tu pas ?

— Parce que.

Cela disait tout, dans son idée. Elle aimait trop