Page:Zola - Nana.djvu/273

Cette page a été validée par deux contributeurs.
273
NANA

Nana avait fini par acheter ses pigeons, bien qu’elle doutât de leur fraîcheur. Alors, Satin voulut lui montrer sa porte ; elle demeurait à côté, rue La Rochefoucauld. Et, dès qu’elles furent seules, Nana conta sa passion pour Fontan. Arrivée devant chez elle, la petite s’était plantée, ses radis sous le bras, allumée par un dernier détail que l’autre donnait, mentant à son tour, jurant que c’était elle qui avait flanqué le comte Muffat dehors, à grands coups de pied dans le derrière.

— Oh ! très chic ! répétait Satin, très chic, des coups de pied ! Et il n’a rien dit, n’est-ce pas ? C’est si lâche ! J’aurais voulu être là pour voir sa gueule… Ma chère, tu as raison. Et zut pour la monnaie ! Moi, quand j’ai un béguin, je m’en fais crever… Hein ? viens me voir, tu me le promets. La porte à gauche. Frappe trois coups, parce qu’il y a un tas d’emmerdeurs.

Dès lors, quand Nana s’ennuya trop, elle descendit voir Satin. Elle était toujours certaine de la trouver, celle-ci ne sortant jamais avant six heures. Satin occupait deux chambres, qu’un pharmacien lui avait meublées pour la sauver de la police ; mais, en moins de treize mois, elle avait cassé les meubles, défoncé les sièges, sali les rideaux, dans une telle rage d’ordures et de désordre, que le logement semblait habité par une bande de chattes en folie. Les matins où, dégoûtée elle-même, elle s’avisait de vouloir nettoyer, il lui restait aux mains des barreaux de chaise et des lambeaux de tenture, à force de se battre là-dedans avec la crasse. Ces jours-là, c’était plus sale, on ne pouvait plus entrer, parce qu’il y avait des choses tombées en travers des portes. Aussi finissait-elle par abandonner son ménage. À la lampe, l’armoire à glace, la pendule et ce qui restait