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LES ROUGON-MACQUART


Et il souffla la bougie. Nana, furieuse, continuait : elle ne voulait pas qu’on lui parlât sur ce ton, elle avait l’habitude d’être respectée. Comme il ne répondait plus, elle dut se taire. Mais elle ne pouvait s’endormir, elle se tournait, se retournait.

— Nom de Dieu ! as-tu fini de remuer ? cria-t-il tout d’un coup, avec un brusque saut.

— Ce n’est pas ma faute s’il y a des miettes, dit-elle sèchement.

En effet, il y avait des miettes. Elle en sentait jusque sous ses cuisses, elle était dévorée partout. Une seule miette la brûlait, la faisait se gratter au sang. D’ailleurs, lorsqu’on mange un gâteau, est-ce qu’on ne secoue pas toujours la couverture ? Fontan, dans une rage froide, avait rallumé la bougie. Tous deux se levèrent ; et pieds nus, en chemise, découvrant le lit, ils balayèrent les miettes sur le drap, avec les mains. Lui, qui grelottait, se recoucha, en l’envoyant au diable, parce qu’elle lui recommandait de bien s’essuyer les pieds. Enfin, elle reprit sa place ; mais, à peine allongée, elle dansa. Il y en avait encore.

— Parbleu ! c’était sûr, répétait-elle. Tu les as remontées avec tes pieds… Je ne peux pas, moi ! je te dis que je ne peux pas !

Et elle faisait mine de l’enjamber, pour sauter par terre. Alors, poussé à bout, voulant dormir, Fontan lui allongea une gifle, à toute volée. La gifle fut si forte, que, du coup, Nana se retrouva couchée, la tête sur l’oreiller. Elle resta étourdie.

— Oh ! dit-elle simplement, avec un gros soupir d’enfant.

Un instant, il la menaça d’une autre claque, en lui demandant si elle bougerait encore. Puis, ayant soufflé la lumière, il s’installa carrément sur le dos,