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NANA

garo, d’une phrase discrète. Accoudée sur le velours de la rampe, elle se tournait à demi, dans un joli mouvement d’épaules. On causa un instant, la conversation tomba sur l’exposition universelle.

— Ce sera très beau, dit le comte, dont la face carrée et régulière gardait une gravité officielle. J’ai visité le Champs-de-Mars aujourd’hui… J’en suis revenu émerveillé.

— On assure qu’on ne sera pas prêt, hasarda la Faloise. Il y a un gâchis…

Mais le comte de sa voix sévère l’interrompit.

— On sera prêt… L’empereur le veut.

Fauchery raconta gaiement qu’il avait failli rester dans l’aquarium, alors en construction, un jour qu’il était allé là bas chercher un sujet d’article. La comtesse souriait. Elle regardait par moments dans la salle, levant un de ses bras ganté de blanc jusqu’au coude, s’éventant d’une main ralentie. La salle, presque vide, sommeillait ; quelques messieurs, à l’orchestre, avaient étalé des journaux ; des femmes recevaient, très à l’aise, comme chez elles. Il n’y avait plus qu’un chuchotement de bonne compagnie, sous le lustre, dont la clarté s’adoucissait dans la fine poussière soulevée par le remue-ménage de l’entr’acte. Aux portes, des hommes s’entassaient pour voir les femmes restées assises ; et ils se tenaient là, immobiles une minute, allongeant le cou, avec le grand cœur blanc de leurs plastrons.

— Nous comptons sur vous mardi prochain, dit la comtesse à la Faloise.

Elle invita Fauchery, qui s’inclina. On ne parla point de la pièce, le nom de Nana ne fut pas prononcé. Le comte gardait une dignité si glacée, qu’on l’aurait cru à quelque séance du Corps législatif. Il dit simplement, pour expliquer leur présence, que