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LES ROUGON-MACQUART

comte qui vous aurait chassée… Oui, et d’une façon dégoûtante encore, avec son pied au derrière.

Du coup, Nana devint toute pâle.

— Hein ? quoi ? cria-t-elle, son pied au derrière ?… Elle est trop forte, celle-là ! Mais, mon petit, c’est moi qui l’ai jeté en bas de l’escalier, ce cocu ! car il est cocu ! tu dois savoir ça ; sa comtesse le fait cocu avec tout le monde, même avec cette fripouille de Fauchery… Et ce Mignon qui bat les trottoirs pour sa guenon de femme, dont personne ne veut, tant elle est maigre !… Quel sale monde ! quel sale monde !

Elle étranglait. Elle reprit haleine.

— Ah ! ils disent ça… Eh bien ! mon petit Francis, je vais aller les trouver, moi… Veux-tu que nous y allions tout de suite ensemble ?… Oui, j’irai, et nous verrons s’ils auront le toupet de parler encore de coups de pied au derrière… Des coups ! mais je n’en ai jamais toléré de personne. Et jamais on ne me battra, vois-tu, parce que je mangerais l’homme qui me toucherait.

Pourtant, elle s’apaisa. Après tout, ils pouvaient bien dire ce qu’ils voulaient, elle ne les considérait pas plus que la boue de ses souliers. Ça l’aurait salie, de s’occuper de ces gens-là. Elle avait sa conscience pour elle. Et Francis, devenu familier, la voyant se livrer ainsi dans son peignoir de ménagère, se permit, en la quittant, de lui donner des conseils. Elle avait tort de tout sacrifier à une toquade ; les toquades gâtaient l’existence. Elle l’écoutait, la tête basse, pendant qu’il parlait d’un air peiné, en connaisseur qui souffrait de voir une si belle fille se gâcher de la sorte.

— Ça, c’est mon affaire, finit-elle par dire. Merci tout de même, mon cher.