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NANA

et d’un lit tendu de reps bleu. En deux jours, elle vendit ce qu’elle put sortir, des bibelots, des bijoux, et elle disparut avec une dizaine de mille francs, sans dire un mot à la concierge ; un plongeon, une fugue, pas une trace. Comme ça, les hommes ne viendraient pas se pendre après ses jupes. Fontan fut très gentil. Il ne dit pas non, il la laissa faire. Même il agit tout à fait en bon camarade. De son côté, il avait près de sept mille francs, qu’il consentit à joindre aux dix mille de la jeune femme, bien qu’on l’accusât d’avarice. Ça leur parut un fonds de ménage solide. Et ils partirent de là, tirant l’un et l’autre de leurs magots mis en commun, louant et meublant les deux pièces de la rue Véron, partageant tout en vieux amis. Au début, ce fut vraiment délicieux.

Le soir des Rois, madame Lerat arriva la première avec Louiset. Comme Fontan n’était pas rentré, elle se permit d’exprimer des craintes, car elle tremblait de voir sa nièce renoncer à la fortune.

— Oh ! ma tante, je l’aime si fort ! cria Nana, en serrant d’un geste joli ses deux mains sur sa poitrine.

Ce mot produisit un effet extraordinaire sur madame Lerat. Ses yeux se mouillèrent.

— Ça, c’est vrai, dit-elle d’un air de conviction, l’amour avant tout.

Et elle se récria sur la gentillesse des pièces. Nana lui fit visiter la chambre, la salle à manger, jusqu’à la cuisine. Dame ! ce n’était pas immense, mais on avait refait les peintures, changé les papiers ; et le soleil entrait là gaiement.

Alors, madame Lerat retint la jeune femme dans la chambre, tandis que Louiset s’installait à la cuisine, derrière la femme de ménage, pour voir rôtir un poulet. Si elle se permettait des réflexions, c’était